Blabla avant le sujet :
Pardon pour cette absence de mise à jour. Les nombreuses visites de ces derniers temps, et surtout les nombreuses critiques (fondées ou non) m'avait quelque peu...déstabilisée. Et j'ai pris un peu de temps pour savoir ce que j'avais envie de faire de ce blog.
Après quelques réflexions, j'en suis venue à la même conclusion :
Ce blog peut plaire comme il peut déplaire. Il s'agit d'un parmi des milliers sur la toile. Petit. Minuscule. Insignifiant.
Je ne peux pas me forcer àêtre quelqu'un d'autre, même ici. Je suis dans une formation qui tente par tous les moyens de nous faire rentrer dans des cases qui sont putain d'étroites. Je le ressens partout, j'ai ressorti mes rangers et mon perfecto. Je me suis rasée l'arrière de la tête (et si, c'est très beau). Je fais tout le temps ça quand j'ai du mal à respirer.
Ici, ça ne peut pas devenir comme ça. Ça ne peut pas devenir un endroit où je dois me plier dans tous les sens pour plaire un peu plus. Je le fais déjà partout ailleurs. Tout le temps.
Ici, je ne ferai plus l'origami.
Ce blog reprendra donc comme avant.
Veuillez agréer l'expression de mon entière affection et mon plus profond amour.
Fanny.
Sujet du jour :
Procès des viols collectifs de Fontenay
et cette mentalité qui n'aime pas les femmes
J'ai passé une plutôt bonne journée aujourd'hui. J'ai la chance de vivre entourée de gens très agréables, et mes jours le sont aussi.
Sauf qu'aujourd'hui, je suis tombée sur cet article :
Le procès des tournantes, un "naufrage judiciaire" pour les avocats des plaigantes
Je ne me permettrais pas de revenir sur la décision de justice, ni de parler aux noms des victimes.
Mais quand même, j'ai la gerbe. Je suis en colère. Je suis dégoutée. D'après le dictionnaire, ça me dit que je suis quelqu'un "qui ressent du dégoût ou exprime de la répugnance pour quelque chose".
Dans le dictionnaire des synonymes, ça donne :
Découragé,
J'ai envie de pleurer, pour cette affaire et toutes les autres.
Je ne sais plus où je lisais que le viol est le seul crime où la victime peut être aussi facilement accusée d'être en partie responsable de son propre statut.
déçu,
Je me souviens d'une phrase qui m'avait marqué en lisant "Eating animals" de Jonathan Safran Foer qui se demandait, après avoir parlé du massacre et du gâchis provoqué par la pêche industrielle, qu'est ce que les poissons avaient fait pour qu'on les déteste autant. Ça m'avait interpelé, et je l'avais longtemps eu en tête.
démoralisé,
Aujourd'hui, c'est un peu la même chose que je pense.
Qu'est ce qu'on bien pu faire les femmes pour qu'on les déteste autant?
Qu'est ce qu'on a bien pu faire pour qu'on nous méprise à ce point. Pour qu'on soit si peu dans les postes de pouvoirs, et qu'on soit autant dans les rubriques bien crades des faits divers sordides.
Pour que, si l'une meurt sous les coups de son compagnon, on parle systématiquement de "crime passionnel" et pas d'un putain de meurtre. La passion, je croyais que ça venait du verbe "patior" qui voulait dire souffrir ou endurer. Patior, ça veut pas dire je mets une balle dans la tête de ma copine parce qu'elle m'a annoncé qu'elle me quittait. Ça, c'est un meurtre. Les mots sont lourds de sens, et reflètent joliment ce que la société nous crache et qu'on accepte sans rien dire.
déplu,
J'ai détesté devoir expliquer à Marta, ma nouvelle amie polonaise, que "tu sais, en France, il vaut mieux ne pas répondre à des hommes qui t'interpellent quand tu rentres tard le soir chez toi. Parce que bon, ils pensent souvent que ça signifie que t'es intéressée par eux" (En Vo dans le texte : "Yeah, she wants my dick!")
Ça l'a fait rire, et moi je me suis vomi de devoir expliquer que mon pays craint. Heureusement, Marta, elle fait 1m88 et elle parle en polonais quand elle sent un relou pointer le bout de son nez. Et elle m'a appris à dire "spierdalaj!", qui, en polonais, veut dire "fuck you".
détourné,
Mais c'était dur, de devoir prononcer ces mots dégueulasses "Fais attention quand tu rentres le soir hein, be carefull!". A une fille qui veut parcourir le monde pour escalader toutes les montages possible, et faire de l'humanitaire. Be carefull my friend, parce qu'on pourra t'accuser de l'avoir chercher, cette agression, alors que tu n'es qu'amour et naïveté, en plus.
Comme j'en discutais récemment avec mon compagnon, ce qui me révolte aussi, c'est cette barrière invisible entre enfance et adolescence qui pourtant nous écrase et détermine nos vies.
Un viol d'enfant, c'est ignoble et dénoncé par l'ensemble de la population.
Un viol d'adolescence, un peu moins.
Un viol de femme, encore moins.
Du coup, c'est quoi l'âge où on devient coupable de notre propre agression? 14 ans ? 15 ans? A partir de quel anniversaire je ne suis plus une victime, mais un être sexué qui l'a forcement cherché?
Qu'est ce qu'il se passe entre la période où je me construis des cabanes dans les arbres et celle où je commence à devoir porter des soutiens gorges? Quel péché peut on bien commettre en quelques mois pour que la société entière change d'opinion à notre égard?
C'est mes règles le problèmes? Mes seins? Je deviens la source de la pensée impure qui détourne les hommes de dieu. Je deviens la tentatrice et le serpent, je deviens la coupable de la perversion d'un esprit qui n'est même pas le mien.
Et c'est juste, ça?
dissuadé,
C'est digne de notre société, ça?
écoeuré,
Ce soir, je sors boire un verre avec des amis. Comme la ville est petite, je ne rentrerai pas en voiture. Comme la ville est petite, je rentrerai à pied toute seule. La nuit.
Et je serai jolie, parce que je vais profiter d'un bon moment.
T'as vu tout ce qui pourrait me retomber sur la gueule au cas où il m'arrive quelque chose? Tout ce qui me sera reproché?
las,
Un jour, mon père m'avait dit "Ne viens pas te plaindre s'il t’arrive quelque chose" parce que j'avais mis une jolie robe, et des fleurs dans mes cheveux pour aller rejoindre un ami en ville, et danser la salsa. Je l'ai détesté ce soir là, lui et sa pensée unique qu'on retrouve dans bien des bouches respectables.
ôté,
Qu'est ce qu'il faut que je fasse pour pouvoir sortir en paix? Cacher mes cheveux, cacher mon corps, baisser les yeux, et mettre la musique très forte dans les écouteurs pour ne pas entendre les horreurs des hommes avinés du centre ville?
L'ombre de mon ombre, l'ombre de ta main, l'ombre de ton chien?
rebuté,
Dans la bouche d'amis, j'ai aussi entendu ce dégueulasse "faut pas qu'elle s'étonne..." dit derrière une jeune fille qui marchait un soir, un short un peu trop court sur ses jambes. Et pourtant ces gens n"étaient pas forcement sexistes, ni misogynes. Ils avaient un peu bu, et s'imaginaient surement très drôles. Et étaient très bien conditionnés par le discours actuel.
repoussé,
Je ne suis pas un exemple. Quand je sors en soirée, je boutonne mon manteau sur mon décolleté mais je garde le regard bien droit. J'ai mes écouteurs vissés aux oreilles, mais je me permets de répondre. Un soir, j'ai frappé dans une voiture en stationnement parce qu'un homme me faisait des compliments libidineux sur mes jambes. J'ai frappé fort, en gueulant que c'était vraiment chiant, de se faire emmerder tout le temps.
Il parait que le harcèlement de rue a été un peu plus reconnu durant cet été. Ça reste toujours autant un poison désagréable, un écrou nécessaire à cette machine dégueulasse citée plus haut, qui nous amène à la case "elle l'a bien cherché" sans avoir rien demandé.
répugné,
Je ne suis pas un exemple, parce que quand je suis toute seule la nuit, j'ai toujours un couteau dans ma poche.
C'est mal, c'est illégal, et c'est dangereux.
Mais je l'ai depuis des années parce que j'ai toujours refusé de rester enfermée sous prétexte que l'espace public n'est pas fait pour les jeunes filles une fois le soleil tombé. Je paye assez d’impôts pour pouvoir disposer des pavés et du macadam des rues comme il me semble. Je paye assez cette putain de ville pour avoir le droit d'y marcher dessus sans avoir une paire qui se balancent entre mes jambes.
révolté,
J'ai un couteau et je me le fais systématiquement reproché. J'ai toujours vécu dans des endroits qui ne craignaient pas trop, et je n'ai jamais eu la paranoïa de penser au risque d’agression à chaque fois que je sors. A vrai dire, je n'y pense pas, mais j'ai gardé le réflexe d'avoir une arme blanche dans ma poche depuis le jour où j'ai vu un hélicoptère survoler mon quartier alors qu'une policière me parlait d'un violeur récidiviste en fuite. La semaine suivante, l'un de mes ex m'offrait un couteau papillon. Rose. Magnifique. Que j'ai gardé des années.
soulevé,
Le problème, ce n'est pas que je sois la vilaine fille avec une lame dans les poches usées de son manteau. Le problème, c'est que j'ai besoin d'avoir ce couteau sur moi la nuit pour me sentir rassurée. Que la société ne me protège pas assez, et ne me donne pas envie de croire en elle.
Le problème c'est qu'une fille aussi pacifiste et amoureuse du monde que moi déteste autant la mentalité de son propre pays pour ne même plus lui faire confiance.
Le problème, ce n'est pas moi.
Saturée.